Joli témoignage d’un homme qui rencontre le yoga. Patrick Pelloux est médecin urgentiste, chroniqueur chez Charlie Hebdo. Il s’est rendu dans les locaux de Charlie Hebdo juste après l’attentat, avec les Pompiers et le Samu.Des débutant yogis vont certainement s’y retrouver. Pour moi, qui suis élève depuis 19 ans, et professeur depuis 4 ans, cela résonne aussi. Et cela m’a donné l’impulsion pour écrire l’article ci-dessous.
Etre professeur de yoga, c’est accueillir dans son cours des êtres avec leurs vécus, leurs corps, leurs appréhensions, leurs envies. Le professeur ne sait rien, ou presque, de tout cela, et c’est bien, cela fait parti de l’apprentissage du yoga que de ne pas commencer par raconter sa vie. Puis le cours commence, le professeur donne des indications, et chaque élève fait sa propre expérience, en son fort intérieur. Le professeur accompagne, l’élève apprend de et par lui-même. Cela me rappelle aussi mes débuts en tant qu’élève, qui ont une influence directe sur mes cours.
J’ai la chance d’avoir eu un premier professeur merveilleux. C’était à Cahors, j’avais 15 ans. Le professeur s’appelait Fabienne, j’ai suivi ses cours pendant les 3 années de lycée. J’ai essayé de la retrouver 10 ans plus tard, sans succès. Elle a profondément influencé la façon dont j’enseigne.
J’y allais parce que ma capacité à me concentrer étaient faible. Mes parents craignaient que cela finisse par porter préjudice à ma scolarité. Ma mère, qui ne connaissait pas le yoga, avait entendu dire que cela aidait à se concentrer.
La professeure m’a reçu une première fois avec ma mère, pour poser les questions de base, nécessaires pour m’accompagner. Rien de superflu. D’ailleurs, rien n’était superflu dans son cours.
Me voilà, assise par terre devant cette petite dame menue, avec un sourire et des yeux doux. Je ne crois pas avoir fait de yoga ce jour-là. J’ai juste rencontré mon professeur. Je n’ai presque rien dit. Les deux adultes ont discuté des problèmes techniques. J’étais interne au lycée -c’est courant dans nos contrées reculées- donc il me fallait une autorisation de sortie hebdomadaire. Ca, c’est beaucoup moins courant… bazar pour sortir de la forteresse… les premiers semaines, le concierge ne voulait pas me laisser sortir…je disais « je dois aller à mon cours de yoga »… il me prenait pour une fugueuse et répondait « qu’est-ce que c’est que ça le i-o-ga, j’ouvre pas »…ambiance…enfin, l’immense porte finissait par s’ouvrir après avoir montré pattes blanches. Mes camarades internes allaient au réfectoire pour le diner, moi je loupais le repas pour aller au yoga. Symboliquement, le yoga me nourrissait. Bon, les copines aussi me nourrissaient : elles piquaient du pain, que je mangeais dans la chambre au retour.
Si ma position était exceptionnelle au sein des internes (la deuxième année, j’ai tout le même converti Bérangère, si elle me lit, je t’embrasse), je redevenais élève parmi les élèves pendant le cours. Aucune différenciation. Cela faisait partie de son enseignement. Elle expliquait, on faisait.
Avant le yoga, j’avais fait un peu de basket -martyriser mes doigts et mettre en évidence ma maladresse pour faire rentrer ce ballon trop gros dans un filet trop petit-, un peu de natation. Je n’avais pas trouvé une pratique qui m’ait mis en contact avec mon âme et mon coeur, ma conscience et mon corps.
J’ai appris lentement à découvrir en silence, gouter ma respiration, observer sans influencer, persévérer sans but précis, et finalement… apprécier. Etre là. En conscience, comme on dit souvent au yoga. Ca peut paraitre surfait comme terme, mais c’est très juste. J’aurai pu passer à côté du Yoga, ne jamais rencontrer cette pratique. Je ne pense pas que le Yoga ait profondément changé mon être, mais je sais que cette pratique a influencé ma construction. Comment serais-je aujourd’hui, si je n’avais pas été accompagné comme je l’ai été?
Alors, Merci ma mère, de m’avoir mis sur la voie du yoga à 15 ans. Puis de m’avoir dit à 29 ans « et si tu enseignais le yoga à ton tour maintenant? ». Je n’y avais jamais pensé, ça a été une révélation.
Merci Fabienne, pour la qualité de son enseignement, que je m’efforce de respecter à mon tour.
Merci à mes professeurs qui ont continué et continuent cet enseignement avec autant de qualité, Geneviève Chouraqui et Gérard Arnaud.
Merci aux élèves. 3 d’entre eux vont devenir prof de yoga, 3 vocations sont nées. Les professeurs de Yoga sont les maillons d’une chaîne continue, qui transmettent un savoir multi-millénaire, une pratique qui s’apprend de professeur à élève. Pour autant, il ne s’agit pas de transmettre ce savoir sans le laisser évoluer. Le yoga, c’est la vie, c’est mobile, adaptable, mouvant.
Pour les professeurs, la frontière est mince et demande de se remettre en question régulièrement : adapter l’enseignement à la vie moderne occidentale, tout en restant fidèle à l’enseignement traditionnel pour ne pas en perdre la substance.
Là aussi, il faut être là. En conscience.
Ommmmm Shanti (ommm Paix)
Nelly, 26 juillet 2016